Jean-François B est né en 1979. D’origine coréenne, il vit et travaille à Paris. Jean-François B dessine et peint depuis toujours.
Imaginatif et introverti, l’art est pour lui un besoin vital, une thérapie, une quête obsessionnelle d’identité. Accumulant sans relâche les références et les inspirations, curieux de tout, travaillant et retravaillant sans cesse ses œuvres de manière compulsive, il édifie toile après toile une mythologie intime et inquiétante.
Il nous explique son parcours, son inspiration et ses projets.

Bonjour Jean-François, on te connait pour tes peintures surréalistes et frisant le monochrome. Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours et ta démarche?
J’ai toujours eu une pratique liée au dessin et à la peinture, et d’une manière générale, toujours tourné autour de tout ce que ce médium a pu m’offrir, parce qu’elle m’a permis cette fuite hors du monde réel : en fin de compte, l’objet dessiné, fantasmé et sublimé, m’apparaissait bien plus désirable que l’objet en lui même. La bande dessinée, les mythologies, la littérature, les jeux videos…

 

Jean François Bouron

 

J’ai eu un bac scientifique, option biologie-écologie. Dans ma démarche, il y a toujours eu cette envie d’analyser, comprendre, et intégrer ce qui m’entoure, avec cette approche que peut avoir le dessin et l’illustration aux sciences physiques ou naturelles. Puis je suis allé en fac d’arts plastiques, mais au final, ce n‘est pas vraiment là bas que j’ai appris et développé ma démarche.

 

Bien qu’on voit peu de référence à l’Asie dans ton travail, tu mentionnes parfois tes origines coréenne. Dans quelle mesure cela influence-t-il tes œuvres? Et de manière plus large, quelles sont tes influences et comment se manifestent-elles dans tes œuvres?
J’ai été adopté. Du coup j’ai longtemps fait un rejet total de la Corée. J’ai toujours eu un peu de mal avec mon côté “asiatique”. Il y a ce lien que je n’ai jamais voulu avoir mais que désormais j’essaie d’accepter. J’ai lu d’autres interviews d’artistes coréen qui ont été adoptés et c’est une question également compliquée pour eux. Je regarde un peu ce que font les artistes coréens, mais je ne me focalise pas forcement sur leurs boulots, et je connais très mal leurs travaux, ne me sentant pas très proche. Je n’ai donc jamais essayé de mettre en avant le côté artiste “coréen” mais j’essaye de me réconcilier avec cet aspect de mon identité.

Aujourd’hui, j’ignore dans quelle mesure cela m’influence.

 

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Je suis retourné à Seoul il y a un an, et j’ai beaucoup apprécié ce voyage. Parce que j’y suis allé de façon assez détachée. Retrouver ses origines fait partie de bon nombre d’adoptés. Je n’y suis pas allé dans cet objectif là, mais je m’y suis, pendant quelques instants fugaces, laissé emporter par l’idée que j’aurais pu être à la place de tel ou tel passant; ce n’était pas une sensation si désagréable.

 

Jean François Bouron

 

Il t’arrive de mentionner les vertus thérapeutiques de l’art. Thérapeutique pour l’artiste ou pour le spectateur?

L’aspect “thérapeutique” est un peu trop galvaudé. Je crois avoir un peu plus accumulé les expériences ces dernières années, et effectivement, le fait d’exposer un peu et d’avoir quelques retours positifs directement ou indirectement permet de s’estimer un peu plus, même si c’est toujours très compliqué. N’étant jamais vraiment à l’aise avec moi même, je crois que cela s’est imposé de préférer montrer ce que je savais faire, plutôt que de montrer qui je suis. Je n’ai pas beaucoup joué aux jeux en réseaux, mais je me rappelle qu’à ses débuts, le jeu en réseau, et d’autres applications comme « Second Life », m’apparaissaient comme de superbes alternatives à mes problèmes. Pouvoir choisir vraiment qui on voudrait être, plutôt que d’être le fruit de tout un tas de hasards absurdes, me paraissait être une définition de liberté. mais paradoxalement, je n’ai jamais réussi à rentrer dans ces choix identités voulues et virtuelles… qui sont maintenant presque plus importantes que la vie réelle, avec l’avènement des réseaux sociaux. Et où je ne me sens toujours pas à l’aise, ironiquement.
Thérapeutique pour l’artiste ou le spectateur, peut-être. J’essaye, de mon côté, de continuer mes propres recherches, et de ne pas produire des choses dans le but de « plaire ». Du coup, je ne peux pas dire que j’essaye de me mettre à la place du spectateur à ce moment là, et je crois que cela n’est pas plus mal. Mais effectivement, lorsque je regarde d’autres boulots d’autres artistes dont j’admire le travail, il peut y avoir beaucoup de choses qui me font du bien, mais je pense fonctionner beaucoup par identification, par projection de ce que je voudrais être ou avoir à ce moment là… Pas mal de comparaison.

 

Jean François Bouron

 

En tant que peintre, il t’arrive d’utiliser des supports numériques. Qu’est-ce que ça représente pour toi et en quoi la démarche digitale diffère d’une approche traditionnelle?
L’idée de digital actuellement, me parait encore trop confiné au fait d’utiliser encore des supports qui font un lien encore maladroit entre le monde réel et celui du numérique. On a toujours besoin d’interfaces : l’écran et claviers, ainsi que les logiciels, qui essayent encore trop d’imiter le traditionnel à la place d’utiliser le digital pour ce qu’il est. C’est pourquoi j’ai hâte de voir ce que la réalité virtuelle et augmentée vont pouvoir offrir en terme de création, et dans la vie de tous les jours.

J’ai beaucoup de mal à utiliser le digital dans mon travail. Peut être que j’ai encore du mal à intégrer cette idée que tout est infini et illimité, j’ai peut être encore besoin de cette idée de pouvoir perdre et voir mourir mon boulot, l’unicité, même si je trouve cette pensée en fin de compte archaïque.

 

Jean François Bouron

 

Que t’apporte ta participation au L:ED? Et toi que souhaites-tu lui apporter?
Etre dans la démarche de développer des projets digitaux, d’entamer des démarches de créations en réalité augmentée, ajouter une nouvelle dimension … cela me sort de ce que je fais. Cela me permet de donner vie à quelque chose qui est statique, de projeter mes créations dans un univers physique, de les sortir de la toile et de dépasser l’univers 2D. C’est complètement hors de ce que je fais d’habitude et il y a tellement de choses très intéressantes à faire. C’est un monde qui me fascine.

 

Va-t-on avoir la chance de te voir exposé bientôt? Quelle est ton actualité?
Je vais avoir une exposition fin novembre à Pierrefitte, un marché de Noël artistique. Je vais faire pochette d’album pour un groupe de metal grec. C’est surprenant pour moi mais c’est intéressant. Et enfin il devrait y avoir de grosses expositions à venir mais rien d’encore vraiment fixé pour le moment.

 

Jean François Bouron

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