Jean-François Cauche est (notamment) consultant, formateur et animateur en Usages Innovants pédagogiques et technologiques. Après des collaborations individuelles avec Exomène, il rejoint le collectif L:ED pour ses dons en électronique et en programmation couplés à sa sensibilité musicale. Il est également très impliqué dans la définition et la tenue de nos workshops et formations.

Animateur en usages innovants, enseignant en sciences de l’information, formateur, compositeur, auteur… Impressionnant. Comment en arrive-t-on là? Quel est ton parcours?

C’est juste une question de curiosité qui m’amène à faire de nombreuses choses particulièrement diverses. J’ai fait une thèse en Histoire médiévale avec une partie importante liée à l’informatique et aux sciences de l’information, puis travaillé pour différentes collectivités comme conseiller dans le domaine de l’éducation et du numérique. Cela m’a donné envie d’aller plus loin et de partager mes différentes passions : la programmation, la bidouille mais aussi la musique électronique que je pratique depuis que je suis ado. L’écriture, c’est aussi une très vieille habitude et quelques bouquins et manuels sont pratiquement terminés.

Tes activités semblent être très tournées vers la technologie et la culture, en plus tu te décris comme libriste. Quelle est la place de l’esprit du logiciel libre dans ta démarche ?

Ce sont mes deux passions principales. La première fois que j’ai vu un ordinateur, vers 7-8 ans dans les années 80, ça a été le coup de foudre. Je ne voyais pas qu’une machine mais un univers à explorer. J’ai aussi la chance d’avoir des parents qui m’ont fait partager plein de choses au niveau culture. A 4 ans, j’allais déjà au théâtre et ça m’a fortement impressionné. Les deux aspects se sont réunis naturellement : la puissance de la machine avec la créativité. A mon sens, l’ordinateur est l’un des plus formidables outils de création existants car les possibilités et les domaines couverts sont infinis. J’ai parcouru cet univers pendant de nombreuses années sans me poser trop de questions jusqu’à ce que je rencontre des freins puissants. Après avoir bidouillé sur un Amstrad et un Amiga, je rencontrais Windows et passais d’un univers de passionnés à un monde de consommateurs. Cela a été un choc. J’ai rencontré par hasard les membres de l’association Framasoft et découvert la philosophie du logiciel libre. En fait, cela rejoignait mes premières pratiques informatiques et c’est tout naturellement que j’ai rejoint le mouvement. L’esprit du logiciel et de la culture libre, c’est avant tout penser partage plutôt que profit. Ca change tout dans la relation aux autres.

La philosophie du libre semble t’avoir imprégnée en profondeur, à tel point que ton approche est celle du mouvement hacker. Tu peux nous en dire plus?

Le philosophie du libre est en fait conjointe de l’esprit hacker. Les médias préfèrent aujourd’hui présenter le hacking comme une pratique illégale, comme du piratage alors que cela n’a rien à voir. Le hacker est un explorateur à la base sur le plan informatique mais les premiers hackers touchaient à tout : modélisme, lock picking (l’art d’ouvrir les serrures)… Hacker, c’est détourner des objets, des logiciels, des concepts de leur usage initial, les augmenter, être curieux et surtout faire tomber les barrières qu’elles soient technologiques, culturelles, politiques ou sociales. C’est pour cela que je crois beaucoup en la pratique du hacking comme un des remèdes à la crise que rencontre la société. Hacker, ce n’est pas se résigner, c’est agir et chercher des solutions, même si les freins sont puissants. Cela devient un jeu dont j’essaie de reprendre les principes dans l’éducation. L’erreur n’est plus un échec mais un défi à relever et peu importe le budget et les moyens dont on dispose : on va toujours faire preuve de créativité et d’ingéniosité.

Dans tes activités de création, de formation et d’animation, l’esprit hacker a-t-il une influence? Est-ce que ça change ta manière de concevoir? Et ta manière de transmettre ?

C’est ce ce qui guide complètement ma façon de faire et de vivre. Je cherche des solutions qui sont plutôt du type “3 francs, 6 sous” car, si ce n’est pas accessible à tous, cela n’a aucun intérêt. De même, au niveau enseignement, je me pose plus en facilitateur qu’autre chose. L’objectif est d’amener les participants à acquérir par eux-mêmes les compétences plutôt qu’à apprendre par coeur des choses. C’est en faisant et en s’amusant que l’on apprend. C’est toujours un plaisir quand je vois qu’un enfant est autonome et qu’il ou elle me pose de moins en moins de questions. Cela signifie qu’il a acquis des compétences mais aussi qu’il sait chercher et trouver des solutions.

Tu es lauréat du prix de l’innovation 2015 de l’Éducation Nationale. Quelle est ta définition de la pédagogie innovante? Est-ce que le numérique permet réellement d’innover dans la pédagogie ?

Je le dois au collège Albert Samain de Roubaix où j’interviens et à un collègue et ami, Lucas Gruez, enseignant d’Histoire-Géographie au collège, ainsi qu’au principal du collège, Eric Maquer, qui nous a laissé carte blanche. Lucas est un visionnaire et on a eu l’idée un peu folle l’année dernière de monter un fablab au collège. Le notre est un peu différent de la forme classique pour deux raisons. D’une part, on n’y trouvera pas pour l’instant de “gros” matériel genre imprimante 3D ou autre car nous sommes partis par volonté d’un budget quasi-proche de zéro avec du matériel de récupération. D’autre part, il s’agissait surtout d’insuffler un esprit fablab, un esprit créatif dans le collège pour que cette pratique ne reste pas coincée dans une salle mais essaime durant les cours. Et ça marche : les collégiens codent en Scractch, créent des univers dans Minecraft, utilisent Arduino, les cartes Makey Makey, connaissent l’art de la bidouille… Mais on n’apprend pas toutes ces technologies pour elles-mêmes. Elles servent de support à des cours de Mathématiques, d’Histoire-Géographie, de Français… En ce sens, nous sommes aidés par une formidable équipe à tous les niveaux du collège. Pour moi, c’est cela l’innovation en pédagogie car cela nous amène à repenser entièrement la manière d’enseigner, ce qui est parfois un peu perturbant, par exemple lorsque l’on se retrouve face à une classe quasi-autonome après quelques séances et que l’on n’a plus qu’un rôle de facilitateur.

En parlant de numérique, on te retrouve dans le Laboratoire d’Expérienciation Digitale L:ED. Ça semble logique au vu de ton parcours et avec les ateliers que tu animes, tu conçois certainement beaucoup de projets numériques. À ce propos, on fait parfois le reproche aux arts numériques de ne pas se différencier du design digital. Qu’en penses-tu ? Y a-t-il une spécificité des arts numériques ?

J’avoue que je ne pense pas trop à ces questions. Je fais et peu importe la direction que le projet prend. La grande erreur que l’on fait souvent, c’est de vouloir mettre du sens partout, de vouloir que ça serve à quelque chose obligatoirement. Une oeuvre peut juste se ressentir tandis qu’une autre aura une utilité particulière. On peut aussi mixer les deux et le plus bel exemple est la pièce musicale 4″33 de John Cage qui n’est faite que de silences : elle se ressent mais elle a aussi une utilité fondamentale dans le domaine de l’expérience de l’environnement sonore proche. Pour ma part, j’essaie simplement de donner un objectif artistique aux projets et aux ateliers afin de pouvoir marier la technologie et la culture. Pour un atelier où on a codé un jeu vidéo, les différents décors étaient dessinés de manière automatique. Il a fallu faire un peu de géométrie mais aussi s’inspirer de Sonia Delaunay par exemple.

Comment mets-tu en oeuvre cette spécificité ? Comment le L:ED y parvient-il?

L:ED, c’est un formidable collectif particulièrement éclectique et qui permet de décloisonner les arts et la technologie. Et je mets arts au pluriel tant la diversité est importante. Je vois beaucoup d’ateliers qui se contentent d’explorer une seule technique. C’est intéressant mais, à mon sens, un peu réducteur. J’aime quand, durant un atelier, je peux mélanger code, électronique et des pratiques beaucoup plus analogiques. Il n’est pas rare que l’on dessine, que l’on explore l’environnement sonore le micro à la main ou que l’on fasse des figurines en pâte à modeler pour revenir ensuite intégrer tout cela au niveau numérique en créant des interfaces un peu bizarres. En ce sens, L:ED offre de nombreuses opportunités de collaboration.

Des projets à venir ? Que va-t-on voir de toi prochainement ?

Plein de projets en effet. Mon dernier album vient d’être publié sur Jamendo donc je retravaille sur un nouveau et sur une pièce de musique contemporaine. Coté code, le grand projet est de refaire en Scratch Pirates, le jeu d’aventures qui a bercé mon adolescence. Je travaille aussi sur des générateurs sonores, des outils liés à la musique, à l’art aléatoire, dont certains que j’explore en atelier. Je vais profiter aussi des vacances prochaines pour mettre la dernière touche à plusieurs ouvrages concernant la programmation ou les cartes Makey Makey. Pas de quoi s’ennuyer… ;-[:en]Jean-François Cauche est (notamment) consultant, formateur et animateur en Usages Innovants pédagogiques et technologiques. Après des collaborations individuelles avec Exomène, il rejoint le collectif L:ED pour ses dons en électronique et en programmation couplés à sa sensibilité musicale. Il est également très impliqué dans la définition et la tenue de nos workshops et formations.

 

Animateur en usages innovants, enseignant en sciences de l’information, formateur, compositeur, auteur… Impressionnant. Comment en arrive-t-on là? Quel est ton parcours?

C’est juste une question de curiosité qui m’amène à faire de nombreuses choses particulièrement diverses. J’ai fait une thèse en Histoire médiévale avec une partie importante liée à l’informatique et aux sciences de l’information, puis travaillé pour différentes collectivités comme conseiller dans le domaine de l’éducation et du numérique. Cela m’a donné envie d’aller plus loin et de partager mes différentes passions : la programmation, la bidouille mais aussi la musique électronique que je pratique depuis que je suis ado. L’écriture, c’est aussi une très vieille habitude et quelques bouquins et manuels sont pratiquement terminés.

 

jean françois cauche (7)

Tes activités semblent être très tournées vers la technologie et la culture, en plus tu te décris comme libriste. Quelle est la place de l’esprit du logiciel libre dans ta démarche ?

Ce sont mes deux passions principales. La première fois que j’ai vu un ordinateur, vers 7-8 ans dans les années 80, ça a été le coup de foudre. Je ne voyais pas qu’une machine mais un univers à explorer. J’ai aussi la chance d’avoir des parents qui m’ont fait partager plein de choses au niveau culture. A 4 ans, j’allais déjà au théâtre et ça m’a fortement impressionné. Les deux aspects se sont réunis naturellement : la puissance de la machine avec la créativité. A mon sens, l’ordinateur est l’un des plus formidables outils de création existants car les possibilités et les domaines couverts sont infinis. J’ai parcouru cet univers pendant de nombreuses années sans me poser trop de questions jusqu’à ce que je rencontre des freins puissants. Après avoir bidouillé sur un Amstrad et un Amiga, je rencontrais Windows et passais d’un univers de passionnés à un monde de consommateurs. Cela a été un choc. J’ai rencontré par hasard les membres de l’association Framasoft et découvert la philosophie du logiciel libre. En fait, cela rejoignait mes premières pratiques informatiques et c’est tout naturellement que j’ai rejoint le mouvement. L’esprit du logiciel et de la culture libre, c’est avant tout penser partage plutôt que profit. Ca change tout dans la relation aux autres.

 

La philosophie du libre semble t’avoir imprégnée en profondeur, à tel point que ton approche est celle du mouvement hacker. Tu peux nous en dire plus?

Le philosophie du libre est en fait conjointe de l’esprit hacker. Les médias préfèrent aujourd’hui présenter le hacking comme une pratique illégale, comme du piratage alors que cela n’a rien à voir. Le hacker est un explorateur à la base sur le plan informatique mais les premiers hackers touchaient à tout : modélisme, lock picking (l’art d’ouvrir les serrures)… Hacker, c’est détourner des objets, des logiciels, des concepts de leur usage initial, les augmenter, être curieux et surtout faire tomber les barrières qu’elles soient technologiques, culturelles, politiques ou sociales. C’est pour cela que je crois beaucoup en la pratique du hacking comme un des remèdes à la crise que rencontre la société. Hacker, ce n’est pas se résigner, c’est agir et chercher des solutions, même si les freins sont puissants. Cela devient un jeu dont j’essaie de reprendre les principes dans l’éducation. L’erreur n’est plus un échec mais un défi à relever et peu importe le budget et les moyens dont on dispose : on va toujours faire preuve de créativité et d’ingéniosité.

 

jean françois cauche (14)

jean françois cauche (6)

 

Dans tes activités de création, de formation et d’animation, l’esprit hacker a-t-il une influence? Est-ce que ça change ta manière de concevoir? Et ta manière de transmettre ?

C’est ce qui guide complètement ma façon de faire et de vivre. Je cherche des solutions qui sont plutôt du type “3 francs, 6 sous” car, si ce n’est pas accessible à tous, cela n’a aucun intérêt. De même, au niveau enseignement, je me pose plus en facilitateur qu’autre chose. L’objectif est d’amener les participants à acquérir par eux-mêmes les compétences plutôt qu’à apprendre par coeur des choses. C’est en faisant et en s’amusant que l’on apprend. C’est toujours un plaisir quand je vois qu’un enfant est autonome et qu’il ou elle me pose de moins en moins de questions. Cela signifie qu’il a acquis des compétences mais aussi qu’il sait chercher et trouver des solutions.

Tu es lauréat du prix de l’innovation 2015 de l’Education Nationale. Quelle est ta définition de la pédagogie innovante? Est-ce que le numérique permet réellement d’innover dans la pédagogie ?

Je le dois au collège Albert Samain de Roubaix où j’interviens et à un collègue et ami, Lucas Gruez, enseignant d’Histoire-Géographie au collège, ainsi qu’au principal du collège, Eric Maquer, qui nous a laissé carte blanche. Lucas est un visionnaire et on a eu l’idée un peu folle l’année dernière de monter un fablab au collège. Le notre est un peu différent de la forme classique pour deux raisons. D’une part, on n’y trouvera pas pour l’instant de “gros” matériel genre imprimante 3D ou autre car nous sommes partis par volonté d’un budget quasi-proche de zéro avec du matériel de récupération. D’autre part, il s’agissait surtout d’insuffler un esprit fablab, un esprit créatif dans le collège pour que cette pratique ne reste pas coincée dans une salle mais essaime durant les cours. Et ça marche : les collégiens codent en Scractch, créent des univers dans Minecraft, utilisent Arduino, les cartes Makey Makey, connaissent l’art de la bidouille… Mais on n’apprend pas toutes ces technologies pour elles-mêmes. Elles servent de support à des cours de Mathématiques, d’Histoire-Géographie, de Français… En ce sens, nous sommes aidés par une formidable équipe à tous les niveaux du collège. Pour moi, c’est cela l’innovation en pédagogie car cela nous amène à repenser entièrement la manière d’enseigner, ce qui est parfois un peu perturbant, par exemple lorsque l’on se retrouve face à une classe quasi-autonome après quelques séances et que l’on n’a plus qu’un rôle de facilitateur.

jean françois cauche (16)

 

On fait parfois le reproche aux arts numériques de ne pas se différencier du design digital. Qu’en penses-tu ? Y a-t-il une spécificité des arts numériques ?

J’avoue que je ne pense pas trop à ces questions. Je fais et peu importe la direction que le projet prend. La grande erreur que l’on fait souvent, c’est de vouloir mettre du sens partout, de vouloir que ça serve à quelque chose obligatoirement. Une oeuvre peut juste se ressentir tandis qu’une autre aura une utilité particulière. On peut aussi mixer les deux et le plus bel exemple est la pièce musicale 4″33 de John Cage qui n’est faite que de silences : elle se ressent mais elle a aussi une utilité fondamentale dans le domaine de l’expérience de l’environnement sonore proche. Pour ma part, j’essaie simplement de donner un objectif artistique aux projets et aux ateliers afin de pouvoir marier la technologie et la culture. Pour un atelier où on a codé un jeu vidéo, les différents décors étaient dessinés de manière automatique. Il a fallu faire un peu de géométrie mais aussi s’inspirer de Sonia Delaunay par exemple.

Comment mets-tu en oeuvre cette spécificité ? Comment le L:ED y parvient-il?

L:ED, c’est un formidable collectif particulièrement éclectique et qui permet de décloisonner les arts et la technologie. Et je mets arts au pluriel tant la diversité est importante. Je vois beaucoup d’ateliers qui se contentent d’explorer une seule technique. C’est intéressant mais, à mon sens, un peu réducteur. J’aime quand, durant un atelier, je peux mélanger code, électronique et des pratiques beaucoup plus analogiques. Il n’est pas rare que l’on dessine, que l’on explore l’environnement sonore le micro à la main ou que l’on fasse des figurines en pâte à modeler pour revenir ensuite intégrer tout cela au niveau numérique en créant des interfaces un peu bizarres. En ce sens, L:ED offre de nombreuses opportunités de collaboration.

jean françois cauche (10)

Des projets à venir ? Que va-t-on voir de toi prochainement ?

Plein de projets en effet. Mon dernier album vient d’être publié sur Jamendo donc je retravaille sur un nouveau et sur une pièce de musique contemporaine. Coté code, le grand projet est de refaire en Scratch Pirates, le jeu d’aventures qui a bercé mon adolescence. Je travaille aussi sur des générateurs sonores, des outils liés à la musique, à l’art aléatoire, dont certains que j’explore en atelier. Je vais profiter aussi des vacances prochaines pour mettre la dernière touche à plusieurs ouvrages concernant la programmation ou les cartes Makey Makey. Pas de quoi s’ennuyer… 😉